Atelier d'écriture !
Vous avez dit atelier d'écriture !
Mais que fait-on aux ateliers d'écriture et qui sont ces gens qui les fréquentent ?
Mystère et boule de gomme !




Aux ateliers Mot à Mot, les auteurEs fabriquent leur écriture. Et signent des textes littéraires d’un genre inédit, improvisés dans un élan de créativité et de performance; des textes vierges de séduction éditoriale ou de préoccupations commerciales.
Ici, vous découvrirez un travail de qualité qui ne doit pas rester clandestin. Vous rencontrerez des auteurEs, des styles qui s’inscrivent dans la diversité des ateliers.

19 mars 2011

Myriam Rubis

Prolixe, étonnante, débordante, Myriam Rubis fait claquer les mots. Elle nous étourdit parfois jusqu’au ravissement, nous malmène. Celle qui, avant de venir à l'atelier , a été interprète, puis assistante dans la dans la banque a du souffle et du style.  Poétesse ou crieuse, elle n’a peur ni de dire ni de transgresser. La littérature prend tout son sens avec ses mille et un textes qui rélèvent du conte ou de la littérature engagée.

OVERDOSE

On l’a trouvé au petit matin camé cramé refroidi sur une bouche de métro des Champs Elysées. Bien achevé, troué de partout. Ses bras nus à coups de seringue, sa belle gueule noire d’un coup de talon aiguille entre les deux yeux. Ca lui en faisait un troisième, parfaitement rond. Plus que fini, au-delà. Vertigineux. Mais c’était pas ça qu’on voyait en le regardant.  Ni les trous, ni le rouge sur le noir. C’était son sourire au-dessus. Pas gêné par la mort, le sourire. Déployé, en vol, en bras d’honneur à la camarde. Indifférent à la logique des choses.
Au milieu des vitrines et des gens bien léchés de partout, un manque de discrétion pareil, sûr que ça ne pouvait pas passer inaperçu. Alors très vite, il y a eu un attroupement tout autour. De filles surtout, aimantées par ce sourire, cette manifestation de printemps sur l’avenue des morts vertueuses. Ca donnait une impression de bonheur absurde malgré le sang et cette puanteur, parce que sûr que c’était pas le genre à se laver souvent, y’avait qu’à voir ses vêtements raides de crasse,  mais non, ça les décourageait pas, elles étaient là agglutinées comme des mouches à miel. Les policiers, arrivés comme il se doit sur les lieux, avaient beau faire, elles ne décollaient pas. Evidemment, ils auraient pu user un peu plus fermement de leur autorité, mais quelque chose les retenait, quelque chose d’inexprimable pour un cerveau de flic même noir pour compenser, quelque chose comme de la crainte ou du respect pour ces yeux ronds des filles qui encerclaient le mort. Et des garçons aussi, car il y en avait, mais avec un genre. Un genre à sentir des trucs en silence, un genre féminin purement masculin. D’ailleurs, personne ne disait rien. Même les filles. C’est le sourire qui parlait pour tout le monde. Bavard il était, incontinent, débordant de choses qui ne se disent pas. Ca sortait de lui en ondes concentriques, ça irradiait, ça ensoleillait, ça brûlait aussi, quelque part dans la poitrine, ça clouait mais ça allégeait en même temps, comme si c’était les attroupés qui se vidaient par ce sourire. Les policiers étaient perturbés. Ils voulaient faire leur travail, parce que ces gens-là ont le sens du devoir en unité de temps et de lieu, de leur fonction de représentants du commerce de l’ordre et d’effaceurs du désordre. Et c’est pas toujours facile, faut pas croire, de rengainer ses inspirations en dégainant son aspirateur de technicien de la surface publique. Mais là, rien à faire, ce coup d’éclat de sourire, ça les gênait terriblement, alors ils faisaient semblant en attendant les pompiers. Comptaient sur eux pour nettoyer les éclaboussures de bonheur sur leurs chaussures, leurs pensées, leur routine, et il leur venait des idées de pré, de coquelicots et d’amour éperdu. Ils n’avaient pas l’habitude, ça se voyait à leur air hébété, emprunté à un autre. Mais les pompiers n’arrivaient pas à cause des embouteillages sur les Champs-Elysées, et l’attroupement féminin au sens large s’épaississait. Il y avait même une grande blonde chanelisée, accessoirisée et parfumée qui se penchait de plus en plus sur la puanteur et le sourire, à contre-sens, rebrousse-Guerlain, ça ne ressemblait à rien. Les autres regards tentaient de le lui exprimer mais ça ne l’atteignait pas. Elle se rapprochait, se rapprochait, ça aurait pu déraper quand tout à coup une petite vieille, si petite que personne ne l’avait remarquée, l’a poussée doucement en disant d’une voix minuscule mais sans réplique « Age before beauty ». La blonde, ça l’a scotchée, elle était trop bien élevée pour résister. Et la vieille en a profité. En deux temps trois mouvements, elle était sur le sourire, agenouillée, son visage tout contre. Elle est restée là à le contempler, à le boire par ses yeux qui rajeunissaient, longtemps. Et puis elle s’est mise à marmonner quelque chose comme : « Alors te voilà. Enfin. Mon unique. Mon pour toujours. Tu as pris ton temps mon saligaud, et tout le mien. » La blonde et les autres auraient voulu la dégager du soleil, elle se prenait pour qui la vieille à l’accaparer comme ça, mais quelque chose les retenait. Quelque chose qu’ils ne savaient pas nommer et qui les effrayait. Un truc démodé en tout cas qu’eux ne se seraient jamais permis. Faut vivre avec son temps. Chacun le sien, sinon quoi merde où va-t-on ? Tout se mélange et il n’y a plus de repères. Ils en étaient là de leurs réflexions jalouses quand soudain, au milieu de toute cette paralysie, elle a osé, oui, elle a osé ce qu’aucun autre n’aurait fait, même pas la blonde. Elle a posé ses lèvres ridées sur le sourire et elle l’a avalé. Cul sec. Ca a fait une éclipse. Plus que du noir et du froid autour. Mais la vieille, elle, elle s’est mise à briller. Son petit corps tout recroquevillé sur celui du camé est devenu phosphorescent. Tout le monde s’est pétrifié.
Et puis un flic s’est secoué la stupéfaction de dessus le paletot et s’est approché tout doucement, avec encore des idées de coquelicots dans la tête. Il l’a touchée, à peine, respectueusement. A constaté qu’elle était morte. Partie. Envolée. Avec son unique, son pour toujours, et avec celui qui le lui avait rendu dans son dernier sourire. Surdosé d’amour.


Ode à la fesse masculine

La première chose qu’elle avait vue chez lui, c’était ses fesses. Un éblouissement. Un bouleversement. Et une interrogation, parce que jusqu’à ce jour d’entre les jours, s’il était une chose à laquelle elle négligeait de prêter attention, c’était bien le postérieur masculin. A l’instar de beaucoup de ses congénères de sexe équivalent, elle avait l’impressionnabilité globalisante avec quelques points de repère des plus classiques : Les mots, les mains, les yeux. 
Dans le cas qui nous occupe, l’intéressée eut été bien en peine de dire la couleur de ceux de l’intéressant. En revanche, le galbe, le rebondi, le décroché reins-fesses, ce tremplin délicat vers la rondeur virile, suggérant plus que révélant le muscle nerveux tapi dessous, le maintien ferme et élégant en toutes circonstances, jamais atténuantes de cette fierté d’être, rien de tout cela n’échappait à son admiration, au sens étymologique de « regarder vers » car elle n’en pouvait détacher le regard.
C’est devant le distributeur de boissons de l’entreprise qu’elle avait succombé à son enchantement fessier. Oui, parce que pour récupérer son gobelet, il avait dû se pencher légèrement et cette infime inclinaison du buste avait positionné son séant au cœur du champ visuel de la distraite, autant dire dans le champ visuel de son cœur. La chose advint à son insu, comme toutes les choses d’importance. Car lorsque pour la première fois on voit en l’autre ce qu’on n’y cherchait pas, il y a fort à parier qu’on l’y a trouvé. Tout ce qu’elle sut d’abord, c’est qu’il lui fallait plus souvent qu’avant se rendre à la cafétéria. Tout ce qu’elle sut ensuite, c’est que le café était moins bon hors la présence de l’idéale fesse. Puis enfin rassurée sur la pérennité de l’objet, car le destin malin ne cessait de l’offrir à ses yeux étonnés, au détour d’un couloir, d’une réunion, d’une pause, elle osa explorer son environnement. Rien ne détonnait : Les bras, les yeux, les mains étaient à la hauteur. L’admiration vraie souvent suscite l’admiration, rien n’advient par hasard. Leurs yeux, leurs mains, leurs bras bientôt se rencontrèrent.

2 commentaires:

  1. Je découvre ton ode à la fesse ... et reste en attente de développement. Vite, une suite !

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  2. J'y travaille, je rassemble de la documentation, des témoignages, des preuves. Pas de bench-marking de la fesse masculine, non, c'est impossible, elles sont toutes incomparables, chacune est un monde dont on ne fait jamais le tour. Même impalpable, absente, timide ou trop affirmée,tannée mais porteuse d'histoire, elle me fascine.

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