Atelier d'écriture !
Vous avez dit atelier d'écriture !
Mais que fait-on aux ateliers d'écriture et qui sont ces gens qui les fréquentent ?
Mystère et boule de gomme !




Aux ateliers Mot à Mot, les auteurEs fabriquent leur écriture. Et signent des textes littéraires d’un genre inédit, improvisés dans un élan de créativité et de performance; des textes vierges de séduction éditoriale ou de préoccupations commerciales.
Ici, vous découvrirez un travail de qualité qui ne doit pas rester clandestin. Vous rencontrerez des auteurEs, des styles qui s’inscrivent dans la diversité des ateliers.

31 janv. 2011

Amélie Grossmann-Etoh



Amélie Grossmann-Etoh est romancière, elle a publié  « Nos cœurs s’étaient filé rancard ».
Une histoire d’amour d’une rare modernité. Comme l’écriture d’Amélie qui affirme un style littéraire d’avant-garde dans sa spécificité à créer des images littéraires rythmées et dissonantes.
Auteure de l’atelier pendant trois ans,  voici pour lui rendre hommage, le premier jet d’un texte d’atelier que Flaubert lirait probablement avec intérêt  puisque l’incipit n’est autre que le début de Madame Bovary !
Joelle guillais   

Amélie – Atelier – Mercredi 21 Janvier

Tu as vu la tronche qu'il a ? ricana Nicolas, le coude flanqué dans mes côtes. Ses yeux brillaient soudain d’une drôle de lumière. Pour la première fois, Nicolas convoquait chez moi une complicité que je m’étais résolue à ne jamais vivre. Je regardais celui dont il se moquait et je chérissais déjà la venue de ce nouveau, à la touffe de cheveux épais et bien tassés sur le haut de son front. Le grand gaillard baissait la tête, les pommettes toutes roses. Ses mains m’impressionnaient par leur taille, si j’avais été en possession de telles massues de chair, j’en aurais assommé plus d’un sur le béton de la cour de récréation.
En souvenir de cette scène où la pluie de l’humiliation était tombée sur mes épaules, mes cheveux, mes yeux : ils m’encerclaient et me crachaient tous dessus. Nicolas avait déclaré les hostilités ouvertes à mon égard, décrétant mes vêtements trop lisses et trop propres, à l’instar de mes chaussures et de mes cheveux. Mais où se cachait le surveillant ?
Monsieur Roger, une main sur l’épaule du nouveau, et d’une voix qu’il s’évertuait à rendre bienveillante, retraçait le parcours de ce fils de paysans, le travail dans les champs et les cultures, un parcours d’écolier un peu sinueux, comme des méandres creusées dans une terre en jachère. L’explication d’une autre vie. La prévention d’un phénomène toujours visible dans l’immense laboratoire de la vie : la venue d’un nouveau rat des champs bouleversait toujours l’équilibre d’un groupe de rats méchants ! Il n’y avait rien à faire. L’équation appelait les sempiternels mêmes résultats… D’où le rictus incompréhensible de Nicolas, une once de sympathie au fond de ses prunelles. Je ne rêvais pas ! Il se penchait à mon oreille, me chuchotait des choses tout bas, pour une mesquinerie réunificatrice, dans laquelle je sautais à pieds joints. Je ne serais plus le nouveau.  

Le début de la récréation sonna, la ronde se formant autour du rat des champs. Ma place parmi les rats méchants. Mon rire à l’unisson des leurs.
Le visage effaré, impuissant du nouveau. Tout autour de lui, les raclements de gorges et des cavités nasales, comme des pistolets qu’on charge et met en joue. L’imminence d’une fusillade, blanche et humide.
Moi, au comble de la jouissance, expulsant la première balle…