Atelier d'écriture !
Vous avez dit atelier d'écriture !
Mais que fait-on aux ateliers d'écriture et qui sont ces gens qui les fréquentent ?
Mystère et boule de gomme !




Aux ateliers Mot à Mot, les auteurEs fabriquent leur écriture. Et signent des textes littéraires d’un genre inédit, improvisés dans un élan de créativité et de performance; des textes vierges de séduction éditoriale ou de préoccupations commerciales.
Ici, vous découvrirez un travail de qualité qui ne doit pas rester clandestin. Vous rencontrerez des auteurEs, des styles qui s’inscrivent dans la diversité des ateliers.

19 mars 2011

Charles Feit


Charles est un jeune ingénieur. Et auteur d'atelier. Il raconte le réel, l'ordinaire en maniant l'absurde et la dérision. Il ose raconter les petites gens, les patrons. Et dire ce que les gens taisent. Caustique et tendre, il aborde l'écriture en inscrivant celle-ci dans la difficile oralité. Au final, de smoments d electure savoureux qui déclenchent l'hilarité à l'atelier - Joelle Guillais

Charles a l'âme d'un pur chroniqueur satirique. Tantôt acide, tantôt caustique, ses coups ne sont jamais distribués au hasard. Et, à l'atelier, ils font souvent mouche. Voyez plutôt. (D. Marchand)

Ce texte a été sélectionné par Benjamin Bellecour, directeur du festival d’écriture contemporaine sur le thème du Fait divers en janvier 2011


Les bons faits divers n'existent plus

            Le matin, je cherche dans les journaux le fait divers qui me fera bander, mais le fait divers c'est plus ce que c'était. Avant fallait au moins tuer quelqu'un et être original, y'avait du lourd, du gras, dans le style : « il massacre sa famille avec un économe ». Là on sentait toute la détresse, le gars poussé à bout. Faut des nerfs pour planter sa femme et les mioches avec un épluche légume. Maintenant on préfère les héros, je lisais encore y'a pas longtemps: « un enfant, tombé du septième étage, est rattrapé par un passant ». On est content pour le mouflet, mais faut avouer qu'on est pas dans le passionnant. Sinon les faits divers racontent des gamins qui cassent tout, et là on tombe dans la propagande pour faire peur, et je me dis qu’on mérite mieux que ça.
            La façon de relater les accidents de nos jours ça me rend malade, avant y'avait du détail, je visualisais la scène, maintenant on lit : « Accident camion-voiture, deux morts trois blessés, la fermeture de l'autoroute provoque un embouteillage de vingt cinq kilomètres », c'est plus les morts le problème, mais les emmerdements à cause de ces cons qui se tuent en bagnole. Du coup, je fais travailler mon imagination pour retrouver un truc un peu vivant : « Le véhicule s'empale sous la remorque du camion, les passagers avant décapités, les trois enfants à l'arrière sauvés par leur petite taille ». Là on a du vrai, du pris sur le vif, on sent que le gars serait allé sur place, il aurait vu la cervelle sur le bitume. Avec « deux morts, trois blessés », y'a pas d'âme, il se contente de recracher un bout du rapport de police. Pour un bon fait divers faut aussi un bon gratte-papier, pas un marlou de journaliste qui va faire le beau dans les réceptions du maire ou qui se prend pour un grand reporter en allant en banlieue. Le pisseur de brève doit fouiller les poubelles et connaître la flicaille du coin, le bleu de base, celui qui tourne au gros rouge dès dix heures.
            Le bon alcolo, celui qu’avait du potentiel dans le fait divers, il était surtout sur les routes, mais pour mériter quelques lignes, il devait taper dans le score de haut niveau. À présent, ça se résume au mieux à un listing des loustics chopés par la patrouille. Les contrôles de police s'apparentent à la pêche  industrielle, ils déploient le filet et attrapent tout ce qui passe. A la grande époque, ils ferraient au hasard, de l'artisanal, et quand ils tombaient sur un gros poisson, du style quatre grammes au volant d'un dix huit tonnes, lui il avait le droit à un papier. J'en ai même vu en photo, c'était réservé aux vraies stars de la bouteille, avec la bleusaille qui posait aussi à côté du trophée, le tout en belle place dans le canard. En plus les faits divers sont noyés dans la masse, faut les dénicher parmi les inaugurations à la con, les horaires de la piscine municipale, et les trombines des élus, et eux dès qu'ils pètent un coup ont leur fait un place dans le torche-cul.
            Avec la pêche artisanale, le poivrot en liberté produisait du fait divers. Faut pas se voiler la face, la picole ça ouvrait des perspectives pour le pétage de plombs. Les gars avaient pas peur de régler les problèmes de voisinage à coup de hache ou de fusil, du bel article ça faisait. Les gaillards vinassés comme il faut, ils montaient à quatre pattes dans les voitures en sortant des bistrot, arrivés à la maison, ça déchainait les passions, et de temps en temps on obtenait de l'insolite, de la zigouille à coup de marteaux, du matraquage à coup de saucisson sec. Du pain béni pour les grattes papiers et les amateurs comme moi.
            Aujourd’hui, au pire, ils perdent leur permis, c'est malheureux à dire mais le contrôle de police a tué à la source une partie des bons faits divers. Heureusement il reste encore quelques  tarés, déglingués ou frappadingues qu'ont pas besoin d'eau-de-vie, naturellement ils peuvent massacrer, de taper sans raison dans le tas. Merci à eux, sinon je m'ennuierais le matin.

3 commentaires:

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  2. Je peux bien l'écrire, suis fan de ta verve gouailleuse. Des mots qui résonnent dans la tête et sucitent des images de scènes de vie. J'adore ! Et quitte à paraître gourmande, j'en redemande encore...

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  3. Moi aussi, je craque ! Encore, t'arrête pas, c'est trop bon !

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