Atelier d'écriture !
Vous avez dit atelier d'écriture !
Mais que fait-on aux ateliers d'écriture et qui sont ces gens qui les fréquentent ?
Mystère et boule de gomme !




Aux ateliers Mot à Mot, les auteurEs fabriquent leur écriture. Et signent des textes littéraires d’un genre inédit, improvisés dans un élan de créativité et de performance; des textes vierges de séduction éditoriale ou de préoccupations commerciales.
Ici, vous découvrirez un travail de qualité qui ne doit pas rester clandestin. Vous rencontrerez des auteurEs, des styles qui s’inscrivent dans la diversité des ateliers.

1 avr. 2011

Carnassière


 
PRESENTATION DE L'AUTEURE

Barbara Albeck, un style, celui de l’esthétique. Subtile, intellectuelle et littéraire,  l’auteure travaille les mots, mais jamais gratuitement. Véritable matière qu’elle cisèle , les mots prennent sens, provoquant de violents ou savoureux échos. Lacan s’y retrouverait avec bonheur dans ce style « barbarien ». auteure à suivre . Joelle Guillais


Barbara la baroudeuse met la barre haute et aime les changements de cap ! Master de psychologie, marketing alimentaire, architecture, écologie, tout la nourrit. Mais quoi qu’elle fasse, ses mots la suivent. Pas rancuniers et même un peu maso, car cette Princesse des mots tordus n’aime rien tant que malmener à la baguette ses sujets, verbes et compléments avec un rare barbarisme. Prolixes, polysémiques, polyphoniques et prosélytes, ils ont des zèles.Commentaire de Myriam Rubis

Carnassière  

Au sang, jusqu’au sang, je l’ai mordu, mordu jusqu’au sang, envolé mon sang-froid, fait gicler son sang tiède à cause de ma mâchoire-étau et de mes incisives plantées dans le tissu pour lui trouer la peau, la peau de l’avant-bras tirée à quatre épingles sur le muscle bandé qui voulait me tenir à carreaux.
Mordu à cause d’un ta gueule et d’une porte claquée, lui parti prendre l’air, moi pris les escaliers pour pleurer à la dérobée, liquide d’avoir été régurgitée, rejetée, jetée tout court puisque je l’ai mordu quand il est revenu, au sang quand il m’a rattrapée, folle d’être retenue de force après le sentiment d’avoir été crachée.
Tu me fais chier, laissée seule contre tous à l’intérieur porte fermée dans la maison des autres à peine apprivoisée, contre tous si gentils mais beaucoup trop ensemble et moi intimidée, puis seule aussi dans ses bras forts, serrés, prisonnière impossible puisqu’un instant avant brutalement congédiée, pour lui déjà tout oublié, souhaitait juste la paix mais j’ai brandi l’épée.
A défaut de pouvoir m’enfuir j’ai tranché dans le vif musclé du sujet et croqué la chair tendre qui se risquait à me bercer, j’ai voulu lui faire mal comme il m’avait blessée, lui au cœur, moi au sang, mot pour mot dent pour dent, enfoncées dans le bras pour qu’il lâche son étreinte en sentant sur sa peau mes sauvages empreintes.
Echouée dans le jardin loin de cette boucherie j’ai repris mes esprits, pensé éberluée alors c’est vrai je suis tarée, réévalué la scène dans la fumée de cigarettes les unes après les autres nerveusement allumées, pour une simple dispute j’avais perdu la tête, retroussé les babines et découvert les crocs, la folie dans le sang, depuis toujours prête à bondir au lieu de se faire oublier.
Il m’a rejointe en se tenant le bras meurtri pour lâcher un paquet de ruptures à peine enrubanné, puis m’a claqué la porte au nez en me laissant avec le chien qui, à cet instant-là, a commencé à aboyer. Et la rage est revenue plus violente, tellement brutale et empressée que mes jambes se sont mises à frapper.  
J’ai cogné l’animal, encore longtemps après que la pauvre bête battue et cassée s’est couchée à mes pieds, et puis la honte et la tristesse ont obstrué le vide laissé par la colère. Le regard au loin, au très loin du dedans, j’ai repeint mon amour en sombre avec le rouge coagulé, ajouté au tableau un peu de violacé volé aux hématomes en train de s’ébaucher, plongé dans le dégoût suscité par mon œuvre, et deviné alors les sirènes de la police qui venait me chercher.
Douze fois j’ai dû promettre d’avaler mes cachets, et de surtout ne jamais jamais plus arrêter de les prendre.

1 commentaire:

  1. J'aime beaucoup la férocité poétique de ton écriture dans ce texte,ce langage que tu tords pour mieux dire la folie à mots redécouverts. Plus généralement j'apprécie ton style, cette recherche exigeante des potentialités de chaque mot, les alliances et les renversements que tu te permets. Continue à oser triturer le langage pour en extraire de l'imaginaire, pour notre plus grand plaisir.
    Oriana

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